Qui n’a jamais été victime d’un conflit ?

La médiation prend depuis 20 ans une ampleur notable en Suisse comme partout en Europe et s’ajoute à d’autres modes connus, tels que l’arbitrage, la conciliation et la négociation. Nombre d’acteurs préconisent cette nouvelle approche utilisant les « MARCs » (méthodes alternatives de résolution des conflits) face aux profondes mutations que traverse notre société et aux conflits qui en résultent. Les intervenants du First organisé mardi 17 mai au siège de la FER (Fédération des Entreprises Romandes) ont donné des outils pour désamorcer les conflits avant d’avoir atteint le point de non retour.

Comment résoudre les conflits de manière créative ?

« Qui n’a jamais été victime d’un conflit ? » Cette question posée par Maître Jérémy Lack a suscité rires et sourires au sein de l’assistance. Personne ne s’y est trompé : notre vie est jalonnée de situations conflictuelles. Avec des conséquences plus ou moins importantes. Dans le monde professionnel, le surgissement de différends peut se traduire par des pertes majeures de temps, d’argent, d’image ou de connexions.

Birgit Sambeth Glasner[1] et Jérémy Lack[2] ont apporté leur expertise dans le domaine de la résolution de conflits par le biais d’outils et leur utilisation dans le cadre d’exemples pratiques.

 

Fuir le reptile qui vit en nous
Pour aider à mieux comprendre leurs démarches, les deux intervenants se sont livrés de manière interactive à une brève description de la composition et du fonctionnement cérébraux. Le public a ainsi dû déterminer si une image projetée illustrait une jeune ou une vieille femme. La question a divisé la salle, les deux interprétations étant possibles puisqu’il s’agissait d’une transposition. Cette expérience a permis à Birgit Sambeth Glasner et Jérémy Lack d’évoquer les biais conscient et inconscient du cerveau, qui expliquent la réalisation de ce type de choix.

La suite de leur exposé mentionnait également les deux hémisphères –gauche et droit–, le premier étant lié aux mathématiques, faits, chiffres, dates ou autre processus, le second étant le siège de la créativité, de la perception spatiale, de l’évaluation des possibilités, …

Le tandem a également parlé des trois couches du cerveau humain incarnées par les systèmes reptilien –qui régit les réactions primaires telles que la fuite, la lutte ou la panique–, limbique –rattaché aux émotions– et néocortical –associé à la réflexion–. L’enjeu pour espérer résoudre un conflit étant d’aider les deux partis à quitter le système reptilien.

 

Cerner les intérêts
« Certains avocats ne veulent pas avoir recours à une médiation car ils considèrent que c’est un signe de faiblesse ou ont la conviction qu’ils vont gagner. Ils ont pourtant l’obligation d’entamer une procédure à l’amiable avant d’être évaluatifs », annoncent les intervenants. Ils ajoutent que certains contrats contiennent des clauses de médiation pour inciter les partis à se mettre autour d’une table en cas de litige.

Identifier le problème et pourquoi il existe représente l’étape initiale de tout processus de médiation. « Il faut sortir de la routine, quitter le cadre pour prêter main forte aux partis », affirme Birgit Sambeth Glasner. Et déterminer quels sont les intérêts en jeu. Pour y parvenir, une exploration de la face cachée de l’iceberg –métaphore utilisée par les intervenants pour définir un conflit– s’impose. Cette partie non visible réunit tous les éléments non factuels à prendre en compte.

La riche teneur en subjectivité des situations conflictuelles demande aux médiateurs de faire travailler leur potentiel créatif pour répondre au mieux aux caractéristiques du différend auquel ils ont à faire. Des outils peuvent les aider dans leur tâche, à l’image d’un diagnostic en 9 étapes résumant l’évolution d’un conflit (se référer à la présentation de Birgit Sambeth Glasner et Jérémy Lack). Le fait d’assimiler chaque parti à un individu placé devant l’un des côtés d’une part de fromage et ayant par là même sa propre vision permet également de saisir l’enjeu lié à la résolution d’une relation tumultueuse : parvenir à faire adopter aux acteurs la perspective de l’autre ou des autres.

 

Exemples de médiation créative
Birgit Sambeth Glasner et Jérémy Lack soutiennent qu’un conflit doit être perçu comme une « opportunité et non un risque. » Un moyen de rallier les partis à cette idée est de les faire dresser une liste de 20 issues possibles à leur désaccord en établissant laquelle serait la plus envisageable à leur sens.

Parmi les méthodes utilisées dans le cadre de médiations créatives, les deux intervenants ont cité le recours à un jeu d’échecs, le but étant de demander à l’une des personnes de placer les pions sur l’échiquier afin de représenter son interprétation de la situation. Et de prendre acte des réactions de l’autre. Les Lego et les Meccano peuvent être employés pour amener les clients à construire ensemble. « Imaginez deux architectes dans ce contexte », a indiqué ironiquement Jérémy Lack.

Selon les deux spécialistes, la résolution d’un conflit n’implique pas nécessairement de faire appel à un juge, le choix de l’approche –évaluative, non évaluative, directive, hybride, avec le concours d’un ou de plusieurs médiateurs, …– devant être réalisé au cas par cas. Birgit Sambeth Glasner a mentionné à titre d’exemple le processus retenu dans le cadre de l’élaboration de la convention collective de travail de skyguide, qui incluait notamment quatre syndicats, les membres de la direction et la prise en compte de trois langues. Après près d’une année de négociations infructueuses, les différentes communautés d’intérêt se sont réunies lors d’une dernière séance de quatre heures. « La médiation devait durer de 14h à 16h et se clôturer par la reddition, de la part de chaque parti, d’une enveloppe contenant sa dernière offre. Ils ont décidé de continuer sur la table et ont trouvé un accord à 17h45 », a-t-elle indiqué, soulignant l’impact psychologique joué par la présence des enveloppes cachetées sur la table.

Autres ressources sur cet événement / thématique :

[1] Avocate, LL.M., Associée de l’étude Altenburger LTD legal + tax, Médiatrice assermentée et ancienne Juge conciliatrice suppléante
[2] Attorney-at-Law & ADR Neutral, spécialiste en méthodes alternatives de résolution des conflits. Membre du Comité Indépendant de l’Institut International de la Médiation (IMI)

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